Restituer la personnalité du narrateur dans le récit
Utiliser les expressions personnelles de l’interviewé
La priorité consiste à employer un style correspondant le plus possible à la personnalité du narrateur. Par exemple, rien ne serait plus ridicule que d’écrire de manière pompeuse et ultra sophistiquée pour un paysan n’ayant jamais fait d’étude ! A l’inverse, il conviendrait sûrement d’employer une expression soignée et bien articulée pour un homme politique à la retraite ou un ancien chirurgien de 98 ans.
Le style est réussi lorsque les proches du narrateur estiment qu’il correspond parfaitement telle cette jeune femme émue aux larmes en évoquant sa lecture des mémoires de son père. « Mon père est mort quelques mois après l’édition de sa biographie. Récemment j’ai relu son livre et j’ai eu l’impression de l’entendre parler à nouveau. Les expressions, les tournures de phrases, tout le récit me faisait penser à lui. J’ai vraiment eu la sensation de vivre une immersion dans mon enfance avec mon père », se souvient Anne-Charlotte.
Employer une forme d’écriture directe au service des anecdotes
Les faits, rien que les faits. S’en tenir à la chose vécue, tel est le secret de la réussite. Le style idéal d’une biographie se met au service de l’action, il la sert sur un plateau au lecteur. Les mots se forment non pas pour créer une œuvre au sens large mais pour révéler la simple vérité de la personne qui les emploie.Les enfants, les petits-enfants et les proches veulent ressentir la réalité de la personne qui s’est confiée à un biographe, le plus souvent dans un désir authentique et sincère de pure transmission de sa vie. Le biographe joue son rôle dans la plus parfaite honnêteté, jamais il ne cherche à se mettre en avant en utilisant des mots issus d’univers différents, des phrases n’appartenant pas à la vie du narrateur.
L’écriture se met au service du témoin, de ses émotions. Elle n’est qu’un instrument essentiel servant à restituer une personnalité dans son ensemble. Il ne faut donc surtout pas chercher à embellir, à optimiser le texte.
Un exemple qui nous a marqué en témoigne. Il y a une dizaine d’années, l’une de nos écrivaines du sud-ouest de la France a recueilli les mémoires d’un berger dont l’expression orale s’est révélée très rudimentaire. Assez naturellement, elle a cru bon d’optimiser le texte issu des enregistrements, notamment en enrichissant légèrement le vocabulaire de la retranscription mais aussi en intégrant un peu de rythme et de liant entre les phrases. Pour elle, ce choix ne correspondait pas du tout à une volonté de mettre en valeur son expertise du français ou de rendre une meilleure copie pour la forme. Il s’agissait vraiment d’une attitude altruiste, d’une volonté de faire plaisir à son narrateur, de lui offrir un cadeau en quelque sorte. Elle voulait également faire plaisir aux membres de la famille. Mal lui en a pris ! A la lecture des premiers textes, le client a manifesté une très forte réaction de rejet. Pour lui, la confiance avait été rompue ! Il voulait son expression orale telle quelle, sans aucun artifice, quand bien même ce texte s’apparente à du charabia. Par la suite, il a été très compliqué de le persuader d’améliorer le style, de lui faire comprendre l’intérêt de rendre son récit un peu plus attractif.