Si on a le temps avant de mourir, rassembler soi même ses souvenirs et écrire le texte en guise de thérapie
Face au dernier voyage, à la mort qui s’approche lentement, le réflexe n’est pas forcément de vouloir lui tourner le dos en essayant de vivre le plus vite possible, en la fuyant par tous les moyens, en multipliant les grands voyages, les réunions, les soirées, etc. Face la mort qui s’approche, bon nombre de nos clients ont envie de se replonger tranquillement dans leur passé pour le revisiter, l’aimer avec calme et sérénité. Revivre ce qui a été vécu dans l’enfance, des moments et des choses très agréables, des émotions magnifiques. C’est un exercice qu’il est possible de pratiquer seul, pas besoin d’artifice.
En apprenant à se replonger dans leur passé, en général assez lointain, l’enfance ou l’adolescence, voire leurs vingt, trente ans, nos clients se rendent compte qu’ils ont beaucoup de choses à dire avant de mourir. Beaucoup de choses, des souvenirs, des actes qu’ils préfèrent dire à leur progéniture de leur vivant et surtout, ô combien surtout, ne pas laisser d’autres les dire à leur place. Il en est ainsi des erreurs commises, des fautes parfois graves que l’on pourrait juger rapidement sans les prendre vraiment en considération, sans dresser la perspective de l’acte en question et surtout l’état psychologique de la personne au moment où l’acte a été commis. Il faut toujours se méfier des faux semblants et dans certains cas, celui qui est abusé n’est pas celui que l’on croit a priori.
Pour rassembler ses souvenirs, rien de plus simple. Il suffit de démarrer à l’âge de ceux qui viennent en premier. D’habitude, nos clients se souviennent d’eux vers 4 ou 5 ans, rarement moins. Il peut s’agir d’une ou deux anecdotes. Par exemple, Julien B. se souvient très bien du jour où sa mère l’avait tiré dans la rue par le col de sa veste pour l’emmener se faire opérer des amygdales. Il avait tellement peur qu’il s’était jeté dans le caniveau. Trempé de la tête au pied, il lui avait fallu faire demi-tour à l’appartement pour se changer. Hélas, c’était reculer pour mieux sauter et l’opération eut bel et bien lieu.
En rassemblant soi-même ses souvenirs personnels, on a la satisfaction de construire une œuvre très personnelle. Peu importe le style, ce qui compte c’est la collecte des informations et leur écriture, sur papier, ou sur écran. Il faut laisser venir les anecdotes les unes après les autres, dans l’ordre ou le désordre. A la relecture, au fur et mesure, de ce que chacun va écrire, de nouveaux souvenirs vont rejaillir, c’est tout l’intérêt de l’exercice ! De ce point de vue, on peut parler de thérapie. L’écriture libère, permet de prendre de la hauteur et place ce qui a été vécu sur un coin de table. Les émotions, qu’elles soient négatives ou positives sont là, posées sur la table, elles ne font plus de mal. Le client narrateur apprend à s’aimer davantage.
Autre exemple avec Didier W, l’un de nos premiers clients qui a longtemps hésité avant de se lancer dans le récit de sa vie, avant d’avoir très envie d’aller au bout de son histoire : « Je me souviens d’un accident d’automobile dans la voiture de ma grand-mère. Je devais avoir six ou sept ans. C’est tellement lointain ! Nous étions arrêtés au coin de l’avenue Foch et de l’avenue Malakoff lorsque nous avons été heurtés à l’arrière par une autre voiture qui m’a envoyé dinguer dans la vitre de séparation ( il était assez courant, à cette époque, qu’une vitre sépare la place du chauffeur des places arrière ). J’ai perdu une dent ! Mais il me vient un souvenir encore plus ancien gare de Saint-Jean-de-Luz, en compagnie de ma sœur… Les vacances étaient terminées et nous rentrions à Paris en train de nuit. Il devait être neuf ou dix heures du soir. Nos parents nous avaient placés tous les deux sur un lit pour que nous nous y reposions et je me vois très vaguement en train d’essayer de pousser Marie-Rose hors de son lit… Je ne devais pas avoir plus de trois ans. Je vois mal comment je pourrais faire ressurgir un souvenir plus ancien ! Il faut croire que celui-là m’a marqué. »
Si le temps nous est compté, faire appel à un biographe professionnel
Avant la mort qui arrive, si les capacités cognitives ne sont pas dégradées, il peut être doux et paisible d’apprendre à confier son histoire, même par bribe, à une personne de confiance, extérieur à la famille. Son écoute bienveillante, son empathie va canaliser les souvenirs de la personne en fin de vie.
En vingt ans d’expériences, nous avons souvent réalisé que le déclenchement d’un projet autobiographique pouvait avoir des effets salvateurs sur les personnes malades, condamnées par telle ou telle maladie. Sans parler de rémission, ce qui serait exagéré, nous pouvons affirmer qu’il est très rare de voir une personne mourir pendant les étapes de sa biographie, tout du moins pendant les phases d’interviews qu’elle aime par-dessus tout. Face à la mort qui approche, les personnes interviewées ont un regain d’énergie évident. Revivre, revisiter leur passé lointain au contact de cet inconnu tout à l’écoute les vitalise de façon évidente.
Participer à ce genre de projet avec un biographe professionnel se révèle très réconfortant. Car la transmission des souvenirs, ce qu’on va laisser après sa mort est un sujet particulièrement stressant. Demander de l’aide au biographe peut se faire à tout moment.